Carthagène

Carthagène, Août 2019 – Train vers Berlin, Février 2020

 

 

Ce matin, avant même d’ouvrir les yeux je savais qu’elle était là. Boule de gorge des jours de grande partance.

Tristesse familière, amertume particulière.

Mêlée cette fois aux états d’âme récents issus des retrouvailles.

Parfois ça s’éloigne mais c’est encore là, derrière mon cerveau engourdi du matin

Les images, vraies ou imaginées, que je  m’efforce de faire fuir, quitte à me fâcher contre moi-même

 

Je n’arrive pas à effacer

La distance entre nous installée

La longueur d’onde décalée

Et celle que j’alimente malgré moi

 

Je n’y arrive pas parce que j’ai le sentiment que

Pendant que tu baignais d’amour j’étais en train de m’assécher

Pendant que tu avançais, j’avais l’impression de reculer

Pendant que tu grandissais je me sentais rétrécir, me terrer

« Pas comparer, pas comparer »

C’est ça.

La colère est encore en moi quand je te tutoie

Tu ne sauras pas ces samedis passés à pleurer

Les petits papiers blancs qui s’amassent sur le parquet

tous les messages que j’ai effacés

Le goût du vide salé

Un gouffre dans lequel on s’effondre

Tu ne sais pas à quel point

c’était noir

t’étais pas là

je ne te manquais pas

 

Je n’arrive pas à nous voir complètement

Je n’arrive pas à me réjouir complètement

 

J’ai encore de la douleur, de la rage

de la rancoeur

de la colère

Je suis encore fâchée d’avoir vécu ça

D’avoir dû traverser ça

(sans toi)

 

Je nous vois encore là où on s’est laissés.

Quand je repense à cette chambre, j’ai encore le goût de toutes les larmes qu’on y a pleurées

Je revois le lit

Les grains de sable dans les draps

Le goût salé dans ta bouche

Les sanglots dans la douche

Les yeux écarquillés au LSD, sens à l’affût, à fleur de peau

Comment j’ai fait pour mettre un pied devant l’autre et monter dans cet avion

Si j’avais su ce qui m’attendait

Je serais mille fois restée, encore un peu, au moins, avec toi

Je nous revois encore là où on s’est laissés

sur une plage de Cartagena,

rigolards et hébétés

C’est comme si depuis je pleurais encore cet adieu-là

Comme si depuis que je suis rentrée c’est le même pleur

que je reprends là où je l’ai laissé

 

Qu’est-ce qu’on a perdu entre nous depuis ?

Est-ce qu’on le retrouvera ? Est-ce qu’autre chose viendra ?

T’es rentré mais on s’est pas encore retrouvés, je crois.

Est-ce qu’on dansera encore

sur mon parquet bruxellois

Est-ce qu’on s’aimera encore

comme on s’est aimés

 

Je sens encore la distance, le décalage

entre là où je voudrais être et où je suis vraiment

 

Je n’ai pas envie de jouer à des jeux pour t’éviter

Mais je me demande est-ce que je dois me protéger de toi

 

Tu dis « l’important c’est que tu sois heureuse »

Et pour la première fois

Depuis que je t’ai rencontré

Cette après-midi d’août sur la place Flagey

Je me dis

J’espère qu’être heureuse ne voudra jamais dire

être sans toi

 

 

Mots écrits tels quels dans le cahier, ce soir-là. Le temps est passé depuis, j’ai avancé, mais c’était vrai. Je ne me relis pas. Je ne me relis jamais.

 

 

 

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